jeudi 26 juin 2008
Une réponse à une question...
Par Erick Bondoux, jeudi 26 juin 2008 à 13:43 :: Vie de la base
Coucou
Comme vous le savez sûrement, je suis un assidu des forums Astrosurf. Certains des lecteurs posent parfois des questions d ordre générale sur la vie à Concordia. Un jeune astro amateur m’a demandé quelles études devait on faire pour travailler dans une base scientifique. Je vais donc vous copier ici la réponse que j’ai faite.
Le fil complet est ici
Bonne question jeune Homme et à bientot.
« Bonjour Astroboy,
Alors, je vais essayer de répondre à ta question.
Si je te donne mon parcours, il y a des chances que ça ne t’aide pas beaucoup au premier abord.
Ce que l’on recherche dans ces bases (enfin je vais parler de Concordia c’est celle que je connais le mieux) c’est avant tout de l’expérience « Pratique » et surtout beaucoup de polyvalence.
En astro
La plupart des manips sont conçues par des labos, donc nul besoin d’avoir un doctorat d’astrophysique tu as un protocole à suivre plus ou moins compliqué mais rien de monstrueux. Par contre, la plupart de ces manips sont fait de composants électroniques, de moteurs, d’ordinateurs, de caméra, de pièces mécaniques et optique. Donc pour s’en sortir le mieux possible il faut connaître un maximum de choses « pratiques » dans l’ensemble de ces domaines.
Savoir réparer un PC, (soft et hard ), savoir régler un télescope (la même chose que tu fais dans ton jardin, au détail prêt qu’il faut le faire par –65°). Toujours coté optique, savoir détecter une aberration (les optiques « bougent » avec les variations de température).
Coté monture, les bases (mise en station, pointage, régages) et de bonnes notions de mécanique pour comprendre ce qui peut décorner par moment, les réglages de jeux par exemple.
Je dirais qu’un astro amateur qui connaît bien son matériel est idéal. Plus qu’à apprendre ensuite à refaire les gestes avec des moufles et dans le froid.
Ensuite tu as tous les problèmes de régulation de température, donc connaitre les thermocouples, les régulateurs, les commandes de puissance, relais, triacs…. Tout ça est important pour la maintenance et les modifications que l’on doit faire sur le matériel. Une formation électronique sert bien. La soudure et le câblage sont très importants.
Et puis si il te manque une pièce, c’est bien de savoir utiliser un tour et une fraiseuse, voir un post à souder, et de se sentir à l’aise dans un atelier.
Dans notre situation il faut être pragmatique, ce que tu pourrais aller chercher chez le marchand, ici faut pas rêver…, ce que tu aimerais avoir, et bien tu ne l’as pas (ou plus), donc il faut faire avec ce que tu as et pas avec ce que tu voudrais avoir. (Dicton de Christophe le mécano de DC3) il avait raison.
Tu es dans un autre monde, donc il faut s’adapter et se sortir les doigts… et avoir un esprit très « ouvert ».
Pour exemple, il nous manquait un système de pointage fin X Y pour une lunette guide, et bien je l’ai fait sur place. l’obtu d’une CCD à cassé, je suis en train de le réparer avec un bout d’imprimante HS et une poignée de composants. Zalpha est en train de remonter deux PC Linux donc les disques avaient crachés en même temps, nous avons une monture à démonter pour révision, durant l’été une des manips manquait un peu de souplesse de réglages, nous avons refait tout le support de la CCD, Ric avait besoin d’un nouvel abri pour lancer ses ballons, et bien nous sommes en train de lui construire un truc sur mesure. Nous avons refait toute la thermalisation d’une manip (commande, puissance, chauffage) pour optimiser le fonctionnement et le niveau de service. Et à tout ça s’ajoutent les taches d’astro classiques (acquisition CCD, sauvegarde, traitement pour voir si tout se passe bien, rotation des montures 1 fois par jour, pointage…)
Donc pour en revenir à ta question, les études c’est bien, et ça sert de porte d’entrée coté science, si tu bosses dans un labo forcement ça aide. Et coté technique, et bien un domaine comme la plomberie, l’électricité, la mécanique auto, la marine (eh oui c’est très similaire à un bateau).
Par contre coté technique il faut savoir une chose, ici tu arrives avec un métier et tu en fais souvent un autre, l’électricien fait autant de menuiserie que le plombier, ou pose des gaines de clim, répare l’électroménager, gérer les déchets. Le plombier à en charge le système de recyclage de l’eau. Le mécano gère l’approvisionnement en neige du fondoir. Le chef central à toute la gestion des groupes, les trucs qui assurent notre production de courant et donc notre survie. Rien que là le domaine est vaste (mécanique, chauffage, électricité…)
Tu as l’entretien de la base à assurer dans ton domaine, et tu participes à tous les travaux d’évolutions. Pas question de dire « ha non je suis plombier, je vais pas aller monter un abri ballon par –70° dehors… » 4 techniques pour assurer la vie d’une base en Antarctique c’est trop peu pour être exclusif.
Donc à retenir, une très forte motivation, un esprit TRESSSSSSSSS ouvert, une grande autonomie et une grosse dose de zen (réparer un truc qui tombe un jour sur deux en rade parfois ça peu énerver…).
Après si tu as un doctorat tu es la perle rare !!! mais à la limite c’est pour le fun…
Dernier exemple, Ricc le « météo » est dans la vie technicien dans une centrale à panneaux solaires en Italie, c’est un bon très bon électronicien/développeur et pourtant ici, il lâche des ballons-sondes tous les soirs, et prends des échantillons ou entretien la station météo (et pleins d’autres choses…).
Côté médecine, le nôtre est issu de la médecine de terrain, il a la double compétence chirurgie / anesthésie ce qui est rare. il revient d’Iraq ou il y a travaillé pour la croix rouge militaire italienne. C’est par contre le seul post ou l’on exerce peu, donc il peut s’intégrer à l’équipe technique si il a des compétences dans un domaine, ou bien aider à la cuisine, ou les scientifiques.
Ha j’oubliais, le cuisinier !!! à la limite c’est le seul qui à SON métier et carte blanche pour l’exercer pleinement. Mais par contre, c’est à chaque fois une perle, une personne qui sait faire un dessert par repas et jamais deux fois le même (sauf si on réclame), une personne qui sait te faire oublier 2h par jour que tu t’es gelé le C.. Durant 3h dans la journée. Giorgio a travaillé en France, en Italie, en Angleterre. Il est capable à chaque repas de contenter les Italiens et les Français. De faire des soirées à thème avec une cuisine orientale, ou anglaise…. Que ça soit brunch ou bien repas service à la française version hôtel Concordia étoilé.
La pour le coup on est dans le haut de gamme de la cuisine et il faut de très bonnes références. Sinon, et bien il doit faire face à une bande de givrés affamés prêt à tout pour bien manger
Pour le reste j’ai tendance à dire que l’on est en bonne santé il n’y a aucun problème. Il n’y a aucun surhomme à Concordia. Le froid tu apprends à la gérer, l’isolement et la nuit aussi. si tu es bien dans ta tête ça roule. Par contre partir avec des problèmes sérieux, c’est à mon sens pas une bonne idée, car tu les emportes avec toi et il ne vont pas se régler sur place.
L’ennui n’existe pas ici mais si tu ne supportes pas de bosser plus de 8h par jour et parfois sans trop de visibilité sur ton planning ça ne va pas le faire. Mais parfois il faut se forcer à lever le pied pour tenir dans la durée.
Voilà, j’espère avoir répondu à ta question, n’hésite pas a me contacter pour d’autres infos.
Erick